armoiries familiales, communales et fantaisies
créations ou reproductions
Cédric Delapraz
artiste héraldique
pièces uniques
armoiries peintes à la main ou dessinées digitalement
Histoire de l'héraldique
Avant toutes choses, il me faut préciser quelques points.
L’héraldique est la science de l’étude des armoiries.
Le mot héraldique vient de héraut, qui lui-même vient du vieil allemand Heriwald, le messager.
Armoiries (ou armes) est un mot toujours au pluriel qui désigne l’ensemble des usages, des termes et des figures héraldiques représentant un pays, une région, une famille ou une collectivité-corporation.
C’est avant tout un signe d’identité.
Le terme de blason qualifie les différents éléments qui constituent les armoiries, tels que les figures, les couleurs, etc..., ainsi que les principes de composition. C’est pourquoi on parle de blasonnement quand il s’agit de la description d’armoiries.
Pour en terminer avec le vocabulaire, un armorial est un recueil d’armoiries. La Suisse en possède de très nombreux. Il faut dire que le pays est champion en matière d’armoiries. Nous sommes certainement la nation avec le plus grand pourcentage au monde d’armoiries par habitants.
Je me dois maintenant tordre le coup à une idée bien ancrée dans l’inconscient collectif : posséder des armoiries ne signifie pas descendre de noble famille.
Dans toute l’Europe occidentale, les armoiries n’ont jamais été l’exclusivité d’une classe sociale. Ainsi, en France, jusqu’à la révolution française, il y avait autant de possesseurs d’armes familiales chez les roturiers que dans la noblesse. Ce sont les révolutionnaires qui y voient une marque de noblesse et l’interdisent en 1790. Depuis, le “mythe” a la dent dure.
Dans la Confédération helvétique, le processus fut quasiment le même, la révolution en moins...
Je me concentrerai sur l’héraldique occidentale, car c’est la notre et la plus documentée. Il existe des similarités dans d’autres cultures, islamique, maya ou japonaise (mon ou kamon) mais aucune n’est aussi structurée et importante que celle qui a grandi en Europe.
Paravent : la bataille d'Anegawa
Le préhéraldique ou protohéraldique
Depuis toujours, l’être humain a utilisé des emblèmes et des symboles.
Ainsi, chez les grecs, on sait qu’il existait des marques de familles et des emblèmes collectifs, pour les villes, par exemple. Ces signes apparaissaient sur les boucliers et les pièces de monnaies, entre autres. Mais, ceux-ci changeaient souvent et leurs significations nous sont inconnues. De plus, on ne trouve aucune règle précise, ni aucun système récurent.
En fait, il semblerait que l’hoplite changeait d’emblème comme de bouclier.
Détail de l'olpé Chigi
Dans l’Empire romain, l’utilisation des emblèmes est surtout le fait de l’armée, mais on en retrouve aussi sur les pièces de monnaies, par exemple.
Les légions en utilisent principalement sur deux sortent de supports : le bouclier et l’enseigne.
Nous manquons de sources pour comprendre la signification des figures sur les boucliers. Les soldats d’une même cohorte n’ayant pas tous les mêmes représentations. De nombreuses hypothèses ont été faites dont celle qui dit qu’il s’agirait de figures magiques pour protéger le combattant.
Les enseignes sont mieux connues. Comme de nombreux peuples, les soldats apportent avec eux, sur le champ de bataille, au sommet d’une pique, une image ou l’attribut d’une divinité protectrice. Au début, Rome avait cinq enseignes : l’aigle, la louve, le cheval, le minotaure et le sanglier. Finalement, seul l’aigle impérial (aquila) restera. Néanmoins, chaque légion avait une ou plusieurs enseignes (signa) spécifique comme signe de reconnaissance.
A noter encore que la cavalerie utilisait des étendards carrés (vexilla). Cette pratique perdurera sur les champs de batailles au moyen-âge. Ils étaient, à l’époque, souvent monochromes. Tous rouges au début, ils finirent par être de couleurs diverses pour une meilleure reconnaissance lors de la mêlée.
Enseignes romaines
Scutum de Doura Europos
Le haut moyen-âge
L’évolution majeure de cette époque est dans la forme du bouclier. D’abord rond et plat, l’écu devient, vers le début du XIIe siècle, une grande amande légèrement bombée, d’environ 60cm de large par 150cm de haut, qui se termine en pointe afin de pouvoir se planter dans le sol.
Il est fabriqué avec des planches soutenues entre elles par des armatures métalliques pour le renforcer sur tous les bords et vers le centre. Celui-ci est recouvert d’un élément métallique rond et bombé, souvent gravé.
L’intérieur est matelassé et l’extérieur tapit de fourrure, de toile ou de cuir tendu et fixé par des clous. Tous ces éléments donneront des figures héraldiques par la suite.
De plus, les toiles et les cuirs étaient souvent décorés de motifs floraux ou géométriques.
Détail de la tapisserie de Bayeux
Les premières armoiries
C’est vers la fin du XIIe siècle que l’on voit apparaitre les premiers signes reconnaissables comme des attributs spécifiques et relatifs à un individu ou une famille.
C’est sur les champs de bataille qu’apparurent les premières armoiries. Effectivement, à une époque où les conflits se font entre voisins ayant les mêmes armures que soi, il est difficile de reconnaitre l’ami de l’ennemi. De plus, lors de grands rassemblements de troupes, ces signes servent à savoir qui suivre.
Avant, un romain se distinguait d’un goth, alors qu’en l’an 1200, il est compliqué de différencier un français d’un germain sous l’armure.
Les armoiries sont, en fait, la fusion en un seul système de plusieurs éléments déjà existant :
Les enseignes, évoquées plus haut, amenèrent certaines figures ainsi que le caractère collectif.
Les bannières, et plus généralement les étoffes, furent certainement l’apport le plus important. On leur doit les couleurs et leurs associations, des constructions géométriques et les liens avec des fiefs, mais par dessus tout, le vocabulaire relatif aux tissus est très présent en héraldique.
Les sceaux. A une époque où de plus en plus de documents sont mis par écrit, les sceaux sont une authentification où figure le nom et le meuble du signataire. Beaucoup de figures qui apparaissent sur les sceaux deviendront des armoiries quelques années plus tard. La majorité des personnes ne sachant pas lire, ces ”dessins“ reconnaissables par tous étaient très utiles. Les sceaux apportèrent les signes et emblèmes familiaux, les figures parlantes, ainsi que le caractère héréditaire.
Les boucliers, ou écus, amenèrent la forme, les fourrures et quelques figures géométriques.
Dessin du sceau de Galeran IV
Email funéraire de Geoffroy Plantagenêt
Les premières représentations où l’on est sure qu’il s’agit d’armoiries sont un sceau de Galeran II vers 1137 et l’émail de la plaque funéraire de Geoffroi Plantegenêt, mort en 1151.
Dès lors, l’extension de l’usage d’armoiries va se faire principalement par les tournois.
Contrairement à une idée reçue, les guerres étaient rares et les chevaliers n’avaient que peu l’occasion de prouver leur bravoure et leur habileté au combat.
C’est ainsi qu’apparurent les tournois. Il s’agissait d’une sorte de sport guerrier en équipe où une mêlée d’hommes à cheval et à pied combattaient par petits groupes en utilisant des signes de reconnaissance. Ce qui développa fortement les armoiries.
Les hommes combattaient avec de vraies armes et les morts étaient courantes. Néanmoins, les tournois étaient source de profits. Le but était de capturer l’adversaire pour lui prendre son arme et son cheval et ne les rendre que contre une rançon. Certains firent fortune ce qui augmenta l’attrait pour cette pratique, et pas seulement dans la haute noblesse.
A noter que les tournois en combat singulier comme on les voit dans les films n’apparurent qu’au XVe siècle.
Vers la fin du XIIIe siècle, le port d’armoiries s’étend à toutes les catégories sociales.
Les femmes et les ecclésiastes se parent eux-aussi de leurs propres armes. Par exemple, les papes portaient l’écu familial.
Puis virent les bourgeois et les corporations de métiers.
C’est plutôt au XIVe que les paysans optent aussi pour des armoiries, surtout comme marque de propriété.
Les hérauts d’armes
C’est aux XIVe siècle qu’ils firent leur apparition comme des spécialistes en armoiries lors des tournois.
Ils organisaient la troupe avant le combat en ordonnant les bannières par ancienneté ou par rang. Ils aidaient aussi à reconnaitre l’ami ou l’ennemi durant le combat. Finalement, ils identifiaient les morts et recensaient les prisonniers.
Au XVe siècle, leur mission devient l’enregistrement et la surveillance. Ils se regroupent et communiquent entre eux afin de ”contrôler“ ce qui existe et ce qui se fait. C’est à ce moment qu’ils régulèrent les pratiques, qu’ils simplifièrent ou stylisèrent certaines figures, qu’ils limitèrent les couleurs et codifièrent les dispositions sur l’écu.
Ils compilèrent aussi les armoiries dans des recueils, les armoriaux.
Avec eux, il y eu beaucoup moins de liberté que dans les premières heures. L’héraldique devint plus stricte, moins imaginative ou créative. Afin de contrer cette rigidité, apparurent alors des éléments extérieurs, en commençant par le cimier, puis les supports, etc... Dans les pays anglo-saxons apparurent les badges, qui ont un aspect totémique plus libre.
Au XIXe siècle, la tendance est à compliquer et à symboliser les écus.
En Suisse moderne
Au début du XXe siècle, les armoiries fédérales, cantonales et communales sont omniprésentes. Les érudits trouvent dans l’héraldique un intérêt mémorial. Cela relance considérablement cette pratique à l’échelon familial de par son universalité. C’est spécialement dans les ”bourgeoisies“ que l’engouement est le plus fort.
Ce mouvement prendra de l’ampleur et il devient alors courant d’offrir les armoiries familiales à la majorité d’un enfant ou lors d’un mariage afin de renforcer le lien, avec, et au sein de la famille.
Vers 1940 – 1970, être artiste héraldique en Suisse est une activité florissante. C’était une manière facile pour un peintre de se faire de l’argent. C’est une époque où il y a beaucoup d’abus.
Devant la forte demande, les artistes se contentaient de trouver une vague similarité, un nom, une provenance, dans un armorial existant et l’attribuait sans vergogne à la nouvelle famille. Les filiations devinrent donc très aléatoires et peu fiables.
Même si la Suisse regorge d’armoiries familiales, la proportion d’armes illégitimes est très grande.
C’est aujourd’hui un vrai problème au moment de retracer le ”lignage“ d’une famille.
Il n’y a pas, en Suisse, de loi qui gère l’attribution des armoiries familiales. Ainsi, tout est possible. La seule règle est de ne pas usurper celle d’autrui. Cette action est punissable pénalement.